L’Assemblée nationale adopte une résolution pour accéder à une société bas-carbone

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L’Assemblée nationale a adopté hier en fin de journée la résolution pour accéder, au-delà de la COP 21, à une société bas-carbone, dont je suis cosignataire.

Par cette résolution, l’Assemblée souhaite que le Gouvernement prenne différentes initiatives, tant au niveau national qu’à celui de l’Union européenne et au plan international, pour engager le passage à une économie décarbonée.

 

Il y a urgence…

Aujourd’hui l’accélération des émissions de gaz à effet de serre (plus de 70 % entre 1970 et 2004) et leur accumulation dans l’atmosphère provoquent l’augmentation des températures, l’acidification des océans, la fonte des glaciers, la montée des eaux, la multiplication des inondations, sécheresses et incendies, accroissent la désertification et concourent à la disparition d’espèces animales et végétales et à la destruction d’écosystèmes. Des migrants climatiques commencent à quitter par millions certaines régions devenues submersibles ou incultivables.

Selon les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), seules des mesures prises à grande échelle pourraient contenir la hausse du réchauffement en-dessous de 2°, au-delà desquels les êtres humains n’auront plus de prise sur un monde largement marqué par l’instabilité, affectant en premier lieu les régions les plus déshéritées.

À l’origine de ce désastre annoncé, se situe notre modèle de développement, marqué par un recours massif aux énergies fossiles. Puisqu’il devient vital, selon les mots de François Hollande, de « renoncer à utiliser 80 % des ressources d’énergies fossiles facilement accessibles, dont nous disposons encore », il ne s’agit pas d’adapter notre modèle mais d’en changer, en amorçant une transition vers une société bas-carbone.

Au cœur de ce changement, se situe la nécessaire transformation du système énergétique, via le développement des énergies renouvelables et l’accroissement de l’efficacité et de la sobriété énergétique. Pour y parvenir, la Communauté internationale doit arrêter non seulement de subventionner les énergies fossiles mais d’investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, donner un prix au carbone et réorienter l’ensemble du système financier, afin de réussir à la fois l’adaptation au changement climatique et son atténuation. La taxe sur les transactions financières, les financements des banques de développement, la réorientation des investissements privés, la mobilisation des fonds publics doivent permettre l’affectation aux pays en développement, à partir de 2020, des 100 milliards de dollars par an, promis à Copenhague, mais également favoriser leur passage à une économie décarbonée, qui doit demain réconcilier l’outil du marché, la prise en compte du social et le respect de l’environnement.

C’est donc l’ensemble des politiques, qui doivent devenir plus durables, en organisant d’autres façons de produire, de consommer, de travailler, de financer, d’habiter, de circuler et d’échanger. L’urbanisme résilient, l’économie circulaire, l’agro-écologie, la restauration des terres, la protection des océans, la préservation des forêts, l’activation des puits de carbone constituent autant de champs pour inventer de nouvelles façons d’habiter la planète.

Cette transition, qui doit être menée à l’échelle mondiale, repose déjà sur des initiatives robustes et concrètes de citoyens, d’entreprises et de territoires, qui doivent être repérées, diffusées, encouragées mais qui ne sauront suffire, sans une réorientation profonde de la gouvernance internationale.

La COP 21, quel que soit son niveau de réussite, ne sera pas un point d’arrivée mais un point de départ sur ce chemin. Il convient donc que la France s’engage à porter un nouveau modèle de développement à l’intérieur de ses propres frontières et au-delà, au sein de l’Union européenne mais également avec le plus grand nombre de pays, afin de constituer une sorte d’avant-garde sur la voie de la transition.

Pour donner le signal de ce changement et engager très concrètement le passage à une économie décarbonée, les députés demandent au Gouvernement de prendre différentes initiatives tant au niveau national qu’au niveau de l’Union européenne et de la Communauté internationale.

… Face à cette urgence, voici les initiatives que nous prônons :

  • Au plan national
    • Faire de l’outre-mer des territoires d’innovation, en permettant à ses collectivités territoriales d’outre-mer de devenir des espaces prioritaires d’innovation en matière de lutte contre le changement climatique. Présente à travers eux dans la quasi-totalité des océans, la France pourrait donner à ces acteurs territoriaux les moyens de conduire des initiatives de coopération régionale, y compris via la mise en œuvre de solutions biomimétiques, notamment à travers l’extraordinaire potentiel des océans, qui constituent une grande partie des solutions pour préserver le climat et la planète ;
    • Intensifier l’aide au développement, en consacrant une part importante du produit de la vente aux enchères de quotas de CO2 sur le marché européen d’échange de quotas (ETS), à l’aide internationale en faveur du climat ; et en affectant une part plus importante des financements climat à l’adaptation des pays les plus vulnérables et en y consacrant à moyen terme une proportion précise de ses dons, laquelle pourrait atteindre 20 % en 2020 ;
    • Placer l’investissement et le secteur financier au service du climaten encourageant les investisseurs institutionnels, les entreprises, notamment celles dont l’État est actionnaire, et les collectivités territoriales à cesser d’investir dans les énergies fossiles et notamment dans le charbon ;

  • Au plan européen
    • Demander une réforme du mécanisme de fixation du prix du carbone sur le marché ETS, pour qu’il atteigne un niveau crédible, en proposant, que les règles de fonctionnement du système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (ETS), qui concerne actuellement 30 pays, incluent un prix plancher et un prix plafond, croissants et cohérents avec le « corridor carbone », qui pourrait exister au niveau international, de manière à adresser un véritable « signal prix » aux entreprises concernées ;
    • Inciter l’Union européenne à dégager les ressources financières nécessaires aux transitions énergétique et climatique:
      • En adoptant des positions de négociation facilitant la mise en œuvre de la coopération renforcée, pour établir la taxe sur les transactions financières, comme décidé par onze pays de l’Union en 2013, de manière que celle-ci intervienne le plus tôt possible, si ce n’est le 1erjanvier 2016, et que son produit soit affecté pour une part très significative à l’aide aux pays en développement, afin qu’ils s’adaptent au changement climatique (de l’ordre de 70 %) ;
      • En proposant à nos partenaires de l’Union européenne de développer le financement des objectifs de la transition énergétique par le budget européen, dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020, afin de renforcer les capacités d’investissement des États membres, en particulier dans le cadre de la politique de développement régional et du Plan d’investissement pour l’Europe, dit « plan d’investissement Juncker » ;
    • Veiller à ce que la Commission européenne prenne des initiatives pour mettre le secteur financier au cœur de la protection du climat :
      • Proposer aux États membres, soit par des initiatives législatives, soit par des recommandations, la prise en compte de l’enjeu du climat par les gestionnaires et détenteurs d’actifs ;
      • Proposer un plan d’action en direction des institutions financières, banques, assurances et fonds de pension, pour lever, par des mesures législatives, les obstacles au financement des projets de long terme et permettre la transition vers une économie décarbonée ;
    • Faire prendre en compte la lutte contre les gaz à très grand effet de serre que sont les hydrofluorocarbures (HFC) ;
    • Veiller à ce que la Commission européenne agisse en faveur du renforcement des ambitions et des politiques de l’Union:
      • En proposant, sur la base des résultats constatés sur le plan européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, un renforcement des objectifs qui ont été fixés pour 2030, incluant notamment des objectifs contraignants en matière d’efficacité énergétique ;
      • En accélérant la mise en place d’une stratégie européenne en matière de recherche et d’innovation au service du climat, visant notamment au développement de la nouvelle génération des énergies renouvelables, au stockage de l’électricité, à l’amélioration de l’efficacité énergétique ;
      • En faisant, dans le cadre de la réflexion sur la future politique agricole commune, des propositions visant à une prise en compte renforcée des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux conséquences du changement climatique.

  • Au plan international
    • Tenter d’obtenir pour ce qui concerne la conférence Paris climat 2015 (COP 21) :
      • Que l’accord prévoit une révision des engagements nationaux tous les cinq ans et que la première de ces révisions intervienne dès 2018-2019 pour une entrée en vigueur en 2020, étant donné que, si la mise en œuvre des contributions nationales (INDC) actuellement déposées constitue un progrès sur la voie de la lutte contre le changement climatique, elle entraînera néanmoins une augmentation des températures supérieure à 2°C ;
      • Que figurent dans l’accord des dispositions sur la prise en compte des pertes et dommages subis par les habitants des territoires affectés par les catastrophes naturelles de grande ampleur, attestant ainsi de la reconnaissance du besoin de coopération et de solidarité internationales, conformément aux principes retenus par la COP 19 de Varsovie ;
      • Que soit institutionnalisé l’Agenda des solutions en proposant de créer un « Conseil pour l’Agenda des solutions », composé de représentants de différentes initiatives pour le climat et de la société civile, d’experts, de représentants de gouvernements nationaux et d’organisations internationales, dont les travaux seraient coordonnés par un « Haut Représentant pour l’Action Climat » ;
      • Que soit mentionnée dans l’accord l’importance du respect des droits humains, de la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la participation pleine et entière des femmes dans toutes les dimensions des politiques relatives au dérèglement climatique ;
    • Sur le prix du carbone et la transition vers une économie bas carbone:
      • Proposer la création, avec les pays développés et émergents qui le souhaitent, d’une avant-garde climatique, qui travaillerait à la mise en œuvre d’un « corridor carbone » ou d’une « cible carbone » doté d’un prix minimum de l’ordre de 15 à 20 dollars la tonne de CO2 avant 2020 et d’un prix recommandé de l’ordre de 100 à 120 dollars la tonne en 2030-2035 ;
      • Créer, avec d’autres États volontaires, un « club climat pour les technologies propres », afin de permettre aux pays émergents et pays en développement de réussir leur transition vers une économie bas carbone ;
      • Assurer la promotion de l’inclusion du transport aérien et du transport maritime international dans les mécanismes de contrôle des émissions de carbone, d’une part, en portant l’idée que l’engagement cible du secteur de l’aviation de croissance neutre en carbone à partir de 2020, dont il doit décider des modalités précises en 2016, se mette en œuvre sous la forme d’une compensation carbone dans les pays en développement, notamment dans les pays vulnérables et permette ainsi de financer la restauration des terres agricoles dégradées, et, d’autre part, en défendant l’objectif de croissance neutre en carbone après 2020 pour le secteur maritime ;
      • Soutenir la création d’un fonds pour la restauration des sols, dont l’objectif est de restaurer 200 millions d’hectares sur quinze ans. À elle seule, cette initiative serait à même de combler la moitié du chemin à parcourir pour aligner la planète sur l’objectif des 2°C ;

  • Sur la Gouvernance mondiale du climat
    • Demander que le FMI et la Banque mondiale soient chargés du suivi d’une feuille de route mondiale pour le financement d’une économie décarbonée, de manière à suivre les évolutions du prix carbone, les réformes permettant de lever les obstacles aux investissements dans les infrastructures bas carbone, l’intégration du risque climatique dans les réglementations financières, la part des investissements verts dans les investissements mondiaux et l’évolution du découplage entre PIB et émissions de gaz à effet de serre.