Hommage à la fidélité et à la solidarité entre Harkis et Fusiliers marins à Largentière

52 ans après…
Cérémonie militaire en hommage à la fidélité et à la solidarité entre Harkis et Fusiliers marins à Largentière

Retrouvez mon discours:

Aujourd’hui nous célébrons une histoire singulière, votre histoire, celle d’une œuvre de solidarité rare, qui pourtant, était nécessaire. Celle d’une amitié, d’une fidélité et d’une loyauté qui surent dépasser les circonstances et qui, aujourd’hui, perdurent entre vous, Harkis et fusiliers marins de la Demi Brigade des Fusiliers Marins.

En mars 1962, après 3 années de négociations, les Accords d’Evian devaient permettre de vous protéger, vous Harkis, vos femmes, vos enfants, et vos biens. Toutefois, les violences et les massacres qui ont suivis vous contraignaient à l’exil. Dès lors le gouvernement français se devait de prendre ses responsabilités en assurant votre retour dans les meilleures conditions. Il ne le fit pas.

En 1962, à Nemours, à Mers el-Kébir, à Largentière, là où le gouvernement français faillait à ses devoirs et à ses engagements, la D.B.F.M l’a remplacé. Là où le gouvernement français laissait mourir en Algérie ceux qui lui avaient été fidèles, la D.B.F.M les rapatriait. Là où le gouvernement français abandonnait des hommes, des femmes et des enfants à des conditions de vie inacceptables sur son territoire, la D.B.F.M s’organisait pour les y installer convenablement. Les marins fusiliers et l’amicale de la D.B.F.M en ont été les ouvriers, ils vous ont été loyaux. Ils ont été fidèles à vos relations fraternelles et à leurs principes. Ils vous ont vus comme leurs égaux, leurs frères d’armes et de cœur. En assurant votre rapatriement, votre installation, puis votre intégration, ils ont fait de votre famille la leur, au mépris de vos différences. Ils ont prouvé que l’entraide est la seule solution lorsque les moments sont graves, au mépris de l’indifférence du gouvernement français. Nous nous devons toutes et tous de les en remercier comme il se doit.

Dans cette situation tragique où vous n’aviez plus rien, ni biens, ni tombes à fleurir, il vous restait la solidarité. Toutefois, celle-ci ne peut suffire à effacer les cicatrices que vous portez tous, rapatriés d’Ardèche ou d’ailleurs. Celles du déracinement, du départ violent et forcé, du deuil. Tous, vous avez essayé de vivre avec le plus lourd des traumatismes : celui de devoir accepter de quitter à jamais les terres qui nous voient naître, grandir et vivre. Ces terres qui nous ont tant donné, et pour lesquelles nous avons tant fait. Ces terres que nous avons fêtées. Ces terres sur lesquelles nous avons prospéré et élevé nos enfants. Ces terres sous lesquelles nous avons enterré nos aïeux. Ces terres pour lesquelles nous nous sommes battus.

Mes terres sont celles sur lesquelles nous nous tenons à cet instant et j’espère pouvoir dire qu’elles sont aujourd’hui les vôtres. Qu’elles ont su vous accueillir comme si vous en étiez les enfants. Qu’elles ont su vous donner autant que vous le méritiez. Enfin qu’elles ont su vous montrer que dans les moments les plus graves et les plus douloureux, la solidarité peut subsister. Et si aujourd’hui, vous les harkis, vos femmes, vos enfants et petits-enfants vous considérez comme Ardéchois, alors nous pouvons tous être fiers de l’oeuvre collective qui a été accomplie ici.

Tout ce que notre Ardèche a pu vous donner, vous le lui avez rendu, vous nous l’avez rendu, alors même que vous aviez déjà tant donné pour la France. Vos valises étaient bien vides lorsque vous êtes arrivés, pourtant, vous avez su remplir notre Ardèche, votre Ardèche, et les Ardéchois d’une richesse rare et inestimable : celle du cœur. Votre histoire, vos sacrifices, vos deuils sont une leçon permanente et votre intégration à notre communauté est une ouverture.

Hier, aujourd’hui et demain, il est de notre devoir à tous de nous souvenir de cette histoire. Elle est celle d’une solidarité exemplaire qui doit nous inspirer, aujourd’hui encore, dans une nouvelle période de l’histoire contemporaine où ces valeurs sont bien souvent bafouées, tant par des personnalités politiques que par des citoyens anonymes qui ont oubliés le principe de fraternité.

Il y a 52 ans, tous n’ont pas eu la sagesse de la solidarité. Tous n’ont pas eu la droiture de la fidélité. Tous n’ont pas eu l’intelligence de l’ouverture. Aujourd’hui, encore trop nombreux sont les Français qui épousent les théories du repli sur soi et du rejet de l’autre. Se souvenir de votre histoire, la raconter et la célébrer, c’est rappeler à chacun l’importance de la loyauté, de l’entraide et de la tolérance, surtout dans les moments les plus délicats de l’histoire ou de la vie.

Pour tout cela et pour ce que vous représentez tous, marins fusiliers et harkis, comme modèle de fraternité pour l’avenir, je veux vous dire merci.