Défi climatique : pourquoi miser sur la gestion des déchets ?

Ce mardi 27 octobre, en amont de la conférence des Nations unies sur le climat (COP 21), je suis intervenue à la Conférence organisée par l’Association Zero Waste, au cours de la Table-ronde intitulée : « Défi climatique : pourquoi miser sur la gestion des déchets ? ».

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Lors de cette soirée, j’ai également pu commenter le nouveau rapport commandité par Zero Waste Europe, Zero Waste France et ACR+, (Lien vers le rapport) destiné à apporter une vision de l’impact de la gestion des déchets sur les changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Ce rapport nous invite à nous interroger sur des points essentiels :

–          L’impact sous-évalué des déchets sur le climat ?

Selon le rapport, 3% c’est la part que représenterait la gestion des déchets (décharges, incinération…), dans la comptabilisation officielle des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant ce chiffre est loin du compte. L’impact total des déchets dépasse largement cette estimation. En effet, actuellement une partie des émissions de gaz à effet de serre dues aux déchets est comptabilisée dans la section agriculture (gaspillage alimentaire), dans la section énergie (incinération), dans la section transport et dans la section industrie (prévention et recyclage).

Le rôle de prévention des déchets et d’une gestion des déchets optimisée dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le développement d’une économie bas carbone a donc jusqu’à présent été complètement sous-estimé.

–          L’incinération : une mauvaise solution aux changements climatiques ?

Le rapport montre que dans un contexte de « décarbonation  » de l’économie nécessaire à l’atténuation des pires impacts des changements climatiques, des technologies comme l’incinération vont devenir de moins en moins attractives et constitueront au final un obstacle à la mise en œuvre d’une économie bas carbone.

–          Les bénéfices d’une meilleure gestion des déchets sur le climat

Le rapport confirme que les modes de traitement les plus hauts dans la hiérarchie européenne – la prévention, le réemploi et le recyclage – ont un potentiel considérable pour réduire les émissions responsables des changements climatiques.

Au cours de mon intervention, j’ai voulu rappeler que si les problématiques des déchets et du changement climatique sont souvent traitées séparément dans la réflexion politique, elles sont cependant étroitement liées. C’est pourquoi la question de la gestion des déchets doit prendre toute sa place dans les négociations dans le cadre de la COP21.DSCN0027

 

J’ai ensuite rappelé l’existence d’émissions de gaz à effet de serre (GES) tout au long du cycle de vie d’un produit :

  • Les matières premières constituent la première source d’émissions de GES. Les processus industriels d’extraction puis de transformation du matériau brut, couplés à son transport, généralement sur des milliers de kilomètres, sont ainsi très émetteurs de GES.
  • Le processus de fabrication du produit lui-même peut être également plus ou moins émetteur de GES suivant qu’il a été pensé ou non selon les règles de l’éco-conception et consomme ainsi plus ou moins d’énergie et de matières premières.
  • L’emballage du produit, encore majoritairement composé de plastique issu du pétrole, nécessite également beaucoup d’énergie pour sa fabrication, alors qu’il deviendra très rapidement un déchet.
  • La collecte et l’acheminent des déchets vers les centres de traitement se fait à 97% par camions, qui consomment du carburant et émettent de fait du CO2.
  • Les différents modes de traitement des déchets n’ont pas le même potentiel de pollution et de réchauffement climatique :
  • Le recyclage permet de conserver pour un nouvel usage l’énergie contenue dans les déchets, en évitant le recours à de nouvelles matières premières. Cependant, en France, le taux de recyclage reste très faible par rapport aux pays européens.
  • Le compostage des matières organiques constitue une alternative aux engrais issus de la pétrochimie et particulièrement émetteurs de protoxyde d’azote (N2O). Bien contrôlé, le compostage permet de stocker le CO2 organique des biodéchets dans le sol.
    • La méthanisation est un procédé de fermentation (contrôlé et confiné) des déchets organiques. Il produit un résidu solide (pouvant être traité par compostage) et du biogaz contenant du méthane (CH4). Ce gaz peut être valorisé sous forme de chaleur, d’électricité ou de carburant, diminuant ainsi le recours aux énergies fossiles.
  • L’incinération en France, émet chaque année l’équivalent en CO2 de 2,3 millions de voitures. Des matières premières qui pourraient être réutilisées ou recyclées sont détruites. L’énergie « grise » utilisée pour les extraire, les transporter et les transformer, est ainsi gaspillée. L’énergie récupérée à l’issue de la combustion des déchets ne suffit pas à compenser cette perte de ressources.
  • La mise en décharge représente en France environ 16% des émissions de méthane. Malgré les dispositifs de captage, une partie des gaz issus de la décomposition des déchets organiques s’échappe dans l’atmosphère directement.

C’est sur les moyens d’agir que j’ai souhaité clôturer mon intervention :

  • La première des solutions pour diminuer ces émissions est de réduire à la source la quantité de déchets produits. Pour le consommateur de produits, une première action possible se situe lors de l’acte d’achat. Ai-je besoin de ce produit ? N’en existe-il pas un autre plus respectueux de l’environnement ? N’est-il pas sur-emballé ? N’a-t-il pas traversé inutilement une partie de la planète ? Est-il durable ? En se posant ces questions, il est possible d’éviter ou de minimiser le déchet et son cortège de gaz à effet de serre induits.
  • Après l’achat, l’enjeu consiste à éviter le gaspillage.
  • Si le déchet est jeté, il faut veiller à l’orienter vers la meilleure filière pour son traitement (compostage, déchèterie, retour au fournisseur, recyclage…) afin d’en minimiser l’impact.

Toutefois, il faut bien le marteler, le meilleur déchet est celui qui n’aura pas été produit. C’est pourquoi le potentiel de réduction des émissions pourrait être encore mieux exploité par des actions de prévention et l’augmentation du recyclage, tout en travaillant également sur l’éco-conception des produits.

Pour se faire, la Loi de transition énergétique, dans son volet Economie circulaire, dont j’ai été rapporteure, apporte plusieurs réponses :

  • L’objectif de généralisation du tri à la source des biodéchets pour les ménages d’ici 2025. Le compostage est une forme de valorisation matière qui présente des bénéfices climatiques directs et indirects :
    • il permet de stocker le carbone contenu dans la matière organique sous forme solide,
    • l’utilisation du compost permet ensuite une meilleure captation du carbone dans les sols agricoles,
    • enfin le compost remplace également l’utilisation d’engrais minéraux dont la fabrication est fortement émettrice de gaz à effet de serre.
  • La fin des sacs plastiques de caisse à usage unique et des sacs plastiques de fruits et légumes non compostables domestiquement au 1er janvier 2016. Jusqu’à présent, les Français en consommaient environ 17 milliards par an.
  • La création du délit d’obsolescence programmée qui devrait permettre d’allonger la durée de vie des produits et donc de réduire leur fréquence de remplacement et avec elle les impacts climatiques liés à l’extraction et à la transformation des matières premières (consommation d’énergie, émissions de gaz à effet de serre) et aux transports et traitement des déchets.
  • Les mesures destinées à augmenter le réemploi et le recyclage dans le domaine du BTP. Dans ce domaine en particulier, la commande publique responsable guidera les évolutions du secteur.
  • L’inscription dans la loi du nécessaire respect de la hiérarchie des modes de traitements des déchets :

 

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