COP 21, les grands enjeux de la négociation

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Depuis le 30 novembre, la France est le pays hôte de la COP 21. Dès l’ouverture, elle accueillait 150 chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que des milliers de délégués venus de tous les continents.

 Si la France a souhaité que les chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier soient rassemblés dès le début des négociations c’est pour donner à cette conférence un souffle et une ambition à la hauteur de l’enjeu, car le 11 décembre un Accord de Paris, universel, contraignant et différencié doit être conclu.

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 Il existe trois conditions pour remplir collectivement notre mission :

  • Dessiner une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement global en dessous des 2°C. Il faudra pour y parvenir nous fixer un horizon de long-terme, prévoir une évaluation régulière de nos progrès au regard des dernières conclusions de la science, et mettre en place un mécanisme de révision à la hausse de nos engagements, avec des rendez-vous réguliers.
  • Répondre au défi climatique par une réponse solidaire : l’accord doit être universel. Aucun Etat ne peut se soustraire à ses engagements mais avec un principe de différenciation qui tienne compte des niveaux de développement et des situations. En effet, les pays développés doivent assumer leurs responsabilités historiques, les pays émergents accélérer leur transition énergétique, les pays en développement être accompagnés dans leur adaptation aux impacts climatiques. D’où la nécessité de dégager des financements pour favoriser notamment les transferts de technologie. L’objectif des 100 milliards de dollars du Fonds vert doit non seulement être atteint mais dépassé avec des garanties sur l’origine des ressources et leurs disponibilités.
  • Mettre nos sociétés en mouvement. En quelques années, les esprits ont profondément évolué: les entreprises et les acteurs financiers hier réticents sont désormais prêts à s’engager et à modifier leur comportement. Faut-il encore leur envoyer les signaux indispensables. C’est tout l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone, proposée et votée la semaine dernière par les députés socialistes, pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète. De cette manière les choix d’investissement s’en trouveront peu à peu modifiés permettant aux technologies propres d’être accessibles à tous.

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Afin d’aboutir à un accord satisfaisant, les principaux enjeux à traiter seront les suivants.

 

L’atténuation du réchauffement climatique

Le secrétariat de la CNUCC (Convention-cadre des nations Unies sur les changements climatiques) totalise 184 contributions nationales volontaires,  correspondant à 95% des émissions mondiales. La somme de ces efforts nous ramène sur une trajectoire de réchauffement d’environ +3°C (entre +2.7°C et +3.5°C degrés selon les analyses). Cela n’est pas encore suffisant.

 

L’adaptation au réchauffement climatique

Dans certains endroits, les effets du réchauffement climatique se font déjà sentir, et le défi est tout autant de s’adapter dès aujourd’hui à ces impacts que d’atténuer ceux qui viendront demain. Ces pays qui subissent ces impacts sont généralement des pays en voie de développement, qui poussent donc pour que l’adaptation aux changements climatiques soit jugée aussi importante que le sujet de l’atténuation. Mais cette égalité d’importance n’est pas une revendication simplement symbolique : les pays les plus concernés par l’adaptation étant également ceux qui ont le moins les moyens de mettre en place des politiques d’atténuation, il faut également y voir une revendication aux implications financières. Lors de la COP de Lima (COP20) en décembre 2014, ils ont obtenu que l’adaptation soit considérée comme aussi importante que l’atténuation.

 

Les pertes et dommages

Apparu lors de la COP de Varsovie (COP19), l’enjeu des pertes et dommages vise à faire reconnaître la situation de pays victimes de conséquences du réchauffement climatique qui sont d’ores-et-déjà irrémédiables. Il s’agit notamment de l’Alliance des petits Etats insulaires, dont les membres seront victimes de la montée du niveau de la mer. Vraisemblablement amenés à disparaître même si le réchauffement était cantonné à 2 degrés, ils demandent des compensations financières à la communauté internationale.

 

Le financement

Le financement est considéré comme l’enjeu clef des négociations. A Copenhague en 2009, les Etats s’étaient mis d’accord sur la création d’un Fonds Vert pour le climat et pour atteindre 100 milliards de dollars de financements climat annuels à partir de 2020, en direction des pays en voie de développement.

Les Etats devront dans tous les cas s’accorder à Paris sur plusieurs questions : ces financements sont-ils additionnels ou est-ce que des financements existants peuvent être comptabilisés ? Quelle part pour les financements privés ? Au sein des financements publics, les prêts peuvent-ils être comptabilisés au même titre que les dons ? Ces questions sont aujourd’hui encore en suspens, et il y a pourtant fort à parier que le blocage ou déblocage en faveur d’un accord ambitieux en dépende. Des niveaux et des garanties de financement suffisamment solides pourraient bien pousser ceux qui en sont destinataires à y voir le gage nécessaire pour réviser à la hausse leurs ambitions de réduction d’émission de gaz à effet de serre.

 

La vision de la responsabilité face au réchauffement climatique

Depuis le sommet fondateur de Rio en 1992, les Etats-parties à la CNUCC ont acté le principe de « responsabilité commune mais différenciée », formule qui arrange tout le monde sans rien clarifier des devoirs de chacun. Tout au plus comprend-on que les pays développés doivent contribuer plus que ceux en voie de développement. Dans les faits, ce consensus peine à masquer deux positions opposées. D’un côté, les pays en voie de développement mettent en avant la responsabilité historique des pays industrialisés, principaux responsables du réchauffement actuel. De l’autre, ces derniers rappellent l’évolution des certitudes scientifiques sur les causes du réchauffement climatique, et enjoignent les pays en développement à prendre leur part d’une responsabilité présente et future, étant acquis que généraliser le mode développement des pays industrialisés rendrait l’objectif des 2 degrés illusoire.

Estompé par le climat de confiance constructif actuel, le risque de voir ce schisme refaire surface réapparaîtra si les discussions s’enlisent à Paris. Or lors de la COP20 de Lima, les Etats ont enrichi ce principe de précautions supplémentaires, évoquant des « responsabilités communes mais différenciées » en fonction de « capacités respectives » à la lumière des « circonstances nationales ».

 

Le contrôle et la vérification de l’application des engagements

On peut lire dans la position des pays que le degré d’exigence souhaité traduit une ambition plus ou moins forte.

Là où l’Union Européenne souhaite que soit mis en place un organe international composé d’experts indépendants, la Chine souhaite pouvoir se charger elle-même de contrôler ses propres engagements…

Sans parler de la majorité républicaine du Congrès américain, qui a voté ce mardi l’annulation des nouvelles réglementations anti-carbone de l’Administration du Président Obama. Si ce vote n’a qu’une valeur symbolique en raison du probable véto présidentiel, il laisse présager du sort qui pourrait être réservé à la ratification d’un accord juridiquement contraignant.

 

Le rôle donné à l’Agenda des solutions

L’Agenda des solutions (aussi appelé Agenda positif) regroupe les engagements volontaires des acteurs non-étatiques : collectivités territoriales, entreprises, investisseurs. Leur contribution peut nous rapprocher de la cible des 2 degrés.

L’Agenda des solutions a été porté pour la première fois au sommet de New York de septembre 2014 par Ban Ki Moon. Ce concept et l’outil qui l’accompagne (la plateforme internet NAZCA) sont donc à la fois très récents et fondés sur des contributions volontaires. Un des défis de la COP sera de donner des lignes directrices, des critères de sélection et d’analyse pour crédibiliser cette plateforme qui n’obéit pour le moment à aucune forme de gouvernance.

 

La forme de l’accord

Avec les contributions nationales constituant un socle de base, les Etats pourraient introduire l’idée d’une clause de revoyure à laquelle serait joint un mécanisme d’effet cliquet des engagements. Concrètement, les Etats s’engageraient à reconsidérer tous les 5 ans leurs contributions nationales dont les ambitions ne pourraient être revues qu’à la hausse. Même si elle affronte encore des résistances, cette formule recueille un consensus grandissant parmi les délégations nationales, et vient notamment d’être accueillie favorablement par la Chine. Elle est acceptable pour la plupart des Etats en ce qu’elle leur permet d’éviter de graver dès aujourd’hui dans le marbre du long terme une baisse trop significative des GES (c’est à l’aune de cette réticence que l’on peut comprendre la récente sortie de John Kerry sur l’impossibilité d’aboutir à un accord contraignant à Paris) tout en les obligeant à une ambition toujours croissante.

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Tel qu’il se dessine, l’Accord de Paris ne devra être conçu ni comme un succès ni comme un échec, et encore moins comme une fin en soi. Il s’agira bien plutôt d’une étape, importante, dans un processus de négociation qui sera continu.

Espérons toutefois qu’il représentera de belles avancées. Il appartiendra ensuite aux acteurs non étatiques, économiques, politiques et aux citoyens de prolonger la dynamique née avant la COP 21 pour aller toujours plus loin en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

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