Conférence « Banque et assurances : créer le marché de la rénovation énergétique en France, le dynamiser en Allemagne »

 

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Le 19 janvier, à l’invitation de l’ONG Coalition France pour l’efficacité énergétique, j’ai clôturé la conférence « Conférence « Banque et assurances : créer le marché de la rénovation énergétique en France, le dynamiser en Allemagne ».

Voici le discours que j’ai prononcé :

Monsieur le Député du Bundestag,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Mesdames et Messieurs les Directeurs,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse de clôturer cet après-midi. Le sujet de la rénovation énergétique des logements m’est particulièrement cher.

Je veux vous remercier tout particulièrement pour m’avoir invitée.

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Les particularités de ce secteur, vous les connaissez mieux que quiconque. Vous en êtes toutes et tous des spécialistes. Et au-delà, vous êtes aussi – et je crois que c’est encore plus important – des militants.

Nous militons pour 3 causes essentielles :

  • La première, c’est celle de l’accès à un logement digne et à un coût abordable. Car aujourd’hui encore, huit millions de nos concitoyens ne peuvent pas se loger de manière décente. Certaines passoires énergétiques, disons-le, relèvent tout simplement de l’habitat indigne. L’accès au logement doit ainsi être au cœur de notre combat pour l’égalité.

  • La deuxième cause, c’est celle de l’économie verte et décentralisée. Car le secteur du bâtiment est appelé à jouer un rôle majeur pour la transition écologique des territoires : 75 000 emplois non délocalisables sont concernés.

  • La troisième cause, c’est celle de la lutte contre le réchauffement climatique. Car le bâtiment est le secteur le plus énergivore en France, et 75 % des bâtiments que nous occuperons en 2050 sont déjà construits aujourd’hui. Leur rénovation est donc un levier essentiel.

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Durant la COP 21, j’ai été frappée de voir avec quelle énergie… si j’ose dire… le monde économique s’engage désormais de tout son poids dans l’économie verte.

Il reste certes des lobbies… mais c’est là un combat d’arrière-garde au regard de celui, tourné vers l’avenir, des entrepreneurs déterminés de la nouvelle économie climatique.

Je me tourne notamment vers les acteurs du marché assurantiel. Vous avez bien compris que l’inaction a un coût, que le dérèglement climatique risque d’être source de pertes faramineuses.

Les projections sont sans appel : d’ici 2050, la demande mondiale d’énergie devrait doubler. Or, on le sait : l’éventuelle construction de nouvelles centrales nucléaires ou encore l’augmentation de la part des énergies renouvelables… ne suffiront pas à satisfaire la demande, ni à pallier la diminution des énergies d’origine fossile.

Dans le même temps, les émissions de CO2 devront être réduites de moitié pour limiter le réchauffement de la planète.

Pour résoudre ce dilemme, un seul moyen : mettre en œuvre des solutions d’efficacité énergétique. Elles permettront de faire mieux, avec moins de ressources.

Ce sera l’un des premiers défis des politiques publiques, notamment à l’échelle européenne.

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La France et l’Allemagne mènent depuis les années 1970, et pour des raisons qui ont évolué dans le temps, des politiques différenciées.

La comparaison des résultats obtenus incite à se garder de tout jugement péremptoire.

Mais, le constat est partagé : pour réussir la transition énergétique, des deux côtés du Rhin, nous devons nous engager dans la rénovation des bâtiments.

Dans nos deux pays, ce n’est pas forcément l’argent qui fait obstacle au marché de la rénovation énergétique, mais bien plutôt sa complexité et son manque de transparence.

Aujourd’hui, j’en appelle à trois acteurs pour résoudre ces difficultés.

  • Le premier acteur, c’est le secteur bancaire. Vous devez être pro-actifs dans ce domaine ! Adaptez vos offres selon le profil de vos clients ! Collaborez avec les réseaux de conseillers indépendants en énergie ! Vous segmentez le marketing pour un meilleur ciblage…Continuez ! Et c’est une bonne chose.

Car, il faut bien se l’avouer, la machine a mis du temps à se mettre en route… Parlons de la délivrance des prêts ECO-PTZ. Elle n’a pas été à la hauteur. Bien sûr, il y avait des difficultés techniques. Mais depuis le 1er janvier 2015 vous n’avez plus la responsabilité d’attester l’éligibilité des travaux. Cela vous a soulagé de l’instruction de la partie technique des dossiers d’Eco-prêt à taux zéro.

Je veux également rappeler qu’au moins 10% de l’épargne réglementée doit être affectée au financement des travaux d’économie d’énergie. Cela correspond à environ 11 milliards d’euros de prêt par an uniquement pour la rénovation énergétique. C’est un vivier formidable d’opportunités.

J’ose espérer que les difficultés du passé sont maintenant derrière nous. Vous devez être au rendez-vous du financement de la rénovation thermique. Vous devez répondre à l’appel et à l’attente de millions de français.

  • Je me tourne maintenant vers le secteur de l’assurance. Des produits assurentiels doivent être introduits. Il y a un besoin de couvrir les éventuels écarts entre les économies d’énergie prévues et celles obtenues suite à rénovations… Car la crainte est bien présente chez le particulier au moment de passer à l’acte, de se retrouver confronté à la non-atteinte de la performance énergétique promise. Engouffrez-vous dans ce marché ! Vous ne le regretterez pas.

  • Enfin, nous autres politiques, devons également réfléchir sur notre action.

Une implication politique plus importante a longtemps été réclamée. Que ce soit pour participer à la sensibilisation de la population ou pour simplifier le cadre réglementaire qui fait obstacle à l’investissement.

Il me semble, du moins j’ose l’espérer, que nous y avons répondu par le vote de la Loi transition énergétique.

J’aimerai prendre un petit instant pour rappeler quelques avancées.

  • Nous avons choisi de faire de l’accompagnement des citoyens, un des piliers de notre politique de rénovation.

C’est les plates-formes de la rénovation énergétique qui seront généralisées à tous les territoires.

L’enjeu : un guichet unique de proximité où chacun pourra trouver des informations sur les aides financières mobilisables, des conseils pratiques, la liste des artisans et des entreprises certifiés…

  • Nous avons choisi de miser sur « l’embarquement » des travaux. Trop souvent encore, le frein à la rénovation, c’est l’absence d’intérêt pour engager des travaux d’efficacité énergétique.

Désormais, ces travaux deviendront une partie intégrante des décisions des Français grâce à la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique lorsque des travaux lourds sont effectués.

  • Nous avons sanctuarisés des aides, précises et utiles pour les ménages les plus précaires. Je pense au renforcement du dispositif Habiter Mieux de l’Anah, au fléchage des CEE vers des actions spécifiques, ou encore à la création d’un fonds de garantie pour faciliter les travaux des ménages à revenus modestes et dans les copropriétés.

  • Nous avons encadré le tiers financement. En créant une dérogation au monopole bancaire, cela ouvre clairement la faculté aux tiers-financeurs d’accorder les prêts nécessaires. Ce monopole bancaire était apparu comme un frein, aujourd’hui en y dérogeant c’est une solution.

Par ce biais, les collectivités locales pourront déployer pleinement leur politique publique d’efficacité énergétique.

Lorsque j’ai rapporté le volet bâtiment de la Loi, ce sont des grands piliers structurants qui m’ont guidé : simplification du cadre réglementaire, territorialisation des politiques, essor des petites et moyennes entreprises du secteur.

Un travail de longue haleine a été mené. Nous avons amélioré des mécanismes existants. Nous avons su en penser des nouveaux. Mais toujours dans un seul but : la massification des travaux d’efficacité énergétique sur le long terme.

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Je le sais, il y a encore des voies d’améliorations à effectuer.

Ces voies, je les résume en trois axes.

  • Le premier axe part d’un constat. Toutes les semaines dans ma permanence, je reçois des entrepreneurs locaux, étranglés économiquement par une concurrence trop féroce.

Un cadre législatif et réglementaire doit être expressément mis en œuvre afin de garantir le développement des PME et des TPE de la rénovation énergétique. La relation entre elles et les grands groupes doit être équilibrée. L’éviction du secteur de milliers d’emplois locaux et non-délocalisables n’est pas tenable sur le long terme.

A ce titre, la commande publique doit, elle aussi, être exemplaire.

Je ne souhaite pas seulement voir survivre ces emplois et ces entreprises. Nous devons leur offrir des perspectives d’avenir, de nouvelles activités bénéfiques pour l’environnement et le pouvoir d’achat, et en faire une filière de premier choix pour les jeunes qui trouveront là des emplois d’avenir.

C’est le combat pour la proximité, pour la valorisation des entreprises à taille humaine. Et ce combat, nous entendons le mener.

 

  • Le deuxième axe, et c’est le nerf de la guerre, c’est l’argent. Je fais mienne la volonté de la Coalition France pour l’Efficacité Energétique. Celle de la création d’une agence de financement de la transition énergétique, sur le modèle allemand de ce que propose la KFW.

Vous la décrivez en ces termes : « Elle aura pour objectif immédiat d’assurer le refinancement optimal des sociétés de tiers-financement. L’attribution de ses ressources pourra être conditionnée à des obligations de résultats en termes d’économies d’énergie. Les fonds de cette agence seront abondés en première approche par des actifs apportés par la Banque publique d’investissement, de la Caisse des Dépôts et Consignations et des revenus issus de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre. »

Je ne peux que m’associer à cette volonté.

D’ailleurs un premier pas vient d’être fait. Le Président de la République vient d’annoncer ce qui pourrait devenir la « Caisse des dépôts et du développement durable ».

Ce sont 3 milliard d’euros sous forme de prêts qui ont été actés.

La moitié sera dégagée pour les organismes de logements sociaux et permettra de financer des logements et des travaux d’isolation thermique. L’autre milliard et demi d’euros sera investi sous forme de prêts à très long terme à taux nul, entièrement destinés à la rénovation des bâtiments publics.

C’est un vrai potentiel pour les entreprises du BTP et cela permettra aux écoles, mairies, et autres universités de générer des économies d’énergie et de fonctionnement.

C’est de l’ingénierie financière, dans la logique de la loi sur la transition énergétique : utiliser tout de suite les économies réalisées demain tout en diminuant la facture énergétique.

  • Enfin le troisième axe allie à la fois information et simplification.

Nous attendons tous avec grande impatience la remise du rapport gouvernemental sur la globalisation des aides fiscales.

Une meilleure lisibilité des dispositifs est essentielle.

Il convient également de réformer les outils. Je pense ici au CITE. Il est absolument indispensable de maintenir la logique du bouquet de travaux, et d’éviter ainsi les effets d’aubaine.

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Pour conclure, je voudrais vous dire ceci : nous avons aujourd’hui quasiment tous les outils pour réussir la rénovation énergétique des logements. Il convient maintenant de faire de sa territorialisation et de sa massification, une réussite.

Car la rénovation thermique doit continuer à poursuivre deux objectifs : lutter contre le dérèglement climatique en réduisant les consommations de tous ; et affronter de manière résolue la précarité énergétique dont souffrent les plus fragiles.

Vous savez… le premier dessin qu’un enfant fait en maternelle, c’est une maison. Nous aurons engagé cette révolution culturelle lorsque ce dessin représentera une maison à énergie positive, isolée, et pourquoi pas, avec du double vitrage !

Je sais compter sur vous tous dans cette entreprise.

Et je vous en remercie.