Assemblée: la galère des Députées Mères

Assemblée, la galère des députées mères : suite.
La fin n’est pas encore connue !

Alors que le Parisien consacrait ce lundi 18 août un article à la galère des Députées Mères en période de congé maternité, s’appuyant sur le témoignage de 2 collègues Députées Eva SAS et Seybah DAGOMA ; alors que cette fin du mois d’août nous invite à reprendre notre activité, donc à nous éloigner de notre famille, j’ai souhaité partager avec vous la galère des Députées Mères au-delà de la période de congé maternité.

J’entends déjà les voix qui s’élèvent « Elles l’ont bien choisi. (…) Elles ne veulent pas qu’on les plaigne non plus ? (…) Avec ce qu’elles gagnent. (…) Et nous on fait comment ? etc, etc…»

A ceux –là, je réponds que là n’est pas le sujet. Il est ailleurs. Il relève de la représentation de la société, de l’expression démocratique, de la réconciliation entre les citoyens et la classe politique et, in fine, de la lutte contre la montée de l’extrémisme.

La première des galères est celle qui consiste à trouver du temps et de la disponibilité. Si un mandat d’élu prend fin au terme d’une période déterminée, 5 ans notamment pour les députés, on est mère à vie. Elue ou non les attentes des enfants sont les mêmes, les besoins des mères restent inchangés, et l’argument selon lequel les mères peuvent se faire aider n’est que partiellement recevable.

Une mère peut être secondée, elle ne peut pas être remplacée. Alors, même si les tâches matérielles se font plus facilement reste à trouver du temps de présence physique auprès de ses enfants. Le soir après l’école : pas possible. Personne ne comprendrait qu’une journée de travail se termine à 17H. Encore moins ceux qui sont en attente de RDV ou les autres collègues élus qui fixent les réunions en fin de journée, après leur travail puisque le statut de l’élu n’existe pas. Alors plus tard, au dîner ou peut-être au moment du coucher. Sauf que …. tous les Députés ne sont pas parisiens ou n’habitent pas à proximité de Paris.

Ce mandat nécessite à minima un mi-temps à Paris, ce qui implique de s’absenter 2 à 3 nuits par semaine, et qui exclut de fait les présences matinales pour partager un petit déjeuner en famille ou les histoires du soir, les échanges nocturnes. Au mieux, pour gagner du temps on essaye de sauter dans le dernier TGV et se dire qu’on partagera le petit déjeuner avec ses enfants le lendemain matin mais là, lorsqu’on arrive à la maison, la moitié de la nuit s’est déjà écoulée. La nuit. C’est bien la seule réponse. Trouver du temps et de la disponibilité c’est accepter de voyager la nuit, de travailler la nuit pour se dégager quelques précieuses minutes en journée. Mais pas seulement : pour achever son courrier ou pour lire ses Mails. Tout cela, bien évidemment, ne doit se faire au détriment de personne. Il faut donc être capable de changer de rythme de vie, dormir quelques heures plutôt qu’une « vraie nuit » sans que cela n’ait de conséquences sur nos relations. Car personne ne comprendrait que la Députée ne soit pas toujours d’humeur égale, qu’elle n’ait pas le sourire !

La seconde des galères consiste à se défaire de la culpabilité ou à ne pas se laisser emporter par elle. Celle qui consiste à ne pas être présente aux réunions de rentrée à l’école, à ne jamais être à la maison le mercredi. D’ailleurs pourquoi est-ce le mercredi que la journée est si chargée à l’Assemblée Nationale ?

Cette culpabilité renforcée par certaines mères « Je ne sais pas comment tu fais !(…) Jamais je ne pourrai laisser mes enfants comme ça ! (…) Ils te reconnaissent tes enfants lorsque tu rentres chez toi ? (…) Ils ne te le disent pas tes enfants que tu leur manques ? (…) Mais tu n’es pas au courant que ton fils doit avoir un tee-shirt bleu et un pantalon blanc pour la fête de l’école ? … »

Cette culpabilité renforcée par certains pères, maris. « J’ai une femme formidable, extraordinaire ! Heureusement qu’elle a accepté de ne pas travailler, ou de travailler à temps partiel, sinon l’équilibre familial s’en trouverait largement perturbé. (…) Grâce à ma femme les enfants ne subissent pas de désagréments liés à mon activité professionnelle très prenante. (…) »
Cette culpabilité entretenue par les institutions. Le père est toujours considéré comme le responsable légal de l’enfant lorsqu’il s’agit notamment de remplir des documents administratifs tels que les inscriptions scolaires. Pourtant, la plupart du temps, la mère est appelée en priorité. « Il faudrait venir chercher votre enfant à l’école : souci de santé, absence de professeur… »

Bref, cette culpabilité véhiculée par la société dans laquelle le droit évolue beaucoup plus vite que les mentalités. On n’entend pas un seul discours qui ne se réjouit pas de la parité, parce que sinon ça ne fait pas bien, mais la société avance, sur ce point, que lorsqu’elle est poussée notamment par la loi.

La troisième des galères consiste à faire évoluer les idées. Sur la parité bien évidemment, sur la place de la femme au sein de la société bien sûr, mais surtout sur la société en général et son modèle de développement.

Etre Députée mère ce n’est pas avoir les mêmes inquiétudes, les mêmes interrogations et j’irai même jusqu’à dire les mêmes sensibilités que ceux qui n’ont plus de compte à rendre à leurs enfants lorsqu’ils rentrent chez eux. Etre Députée mère c’est devoir expliquer, justifier ses choix, prouver sa sincérité mais surtout la cohérence de son action. C’est partager au quotidien des craintes, des désespérances, des réactions. Etre Députée mère c’est se dire que si on regrette la naïveté de sa jeunesse, les jeunes ne sont pas si naïfs. C’est donc faire bouger les lignes, pas par principe mais par souci. Par souci d’offrir à la future génération l’avenir qu’elle mérite et non le déclassement qui lui est prédit. Voilà pourquoi, me semble t-il, les Députées mères sont plus sensibles au développement durable. Ne se contentent pas de citer le développement durable mais l’encouragent, y croient. Parce que le changement de paradigme est une condition de survie pour les nouvelles générations. Notre relation aux jeunes nous impose un devoir d’honnêteté et de sincérité. Du courage.

Etre Députée mère ce n’est pas vouloir la révolution mais c’est encourager le changement lorsqu’il est nécessaire plutôt que de défendre le statu quo sous la pression de lobbys.

Etre Députée mère c’est se doter d’une grande dose d’humour et avoir beaucoup de recul.
Faire culpabiliser est une arme ; l’humour la réplique.

Etre Députée mère c’est se dire que ce n’est pas une galère mais un combat. Un combat galérien qui mérite d’être mené. Parce que les mères doivent être représentées au Parlement et au-delà d’elles les personnes qui croient en elles !

Etre Députée mère c’est y croire, encore et toujours ! Et pour tous !