50 milliards d’économies : le chemin du redressement doit passer par l’équité

Une semaine après son discours de politique générale, le Premier ministre a détaillé ce mercredi 16 avril les 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, pendant du pacte de responsabilité et de solidarité voulu par le Président de la République.

18 milliards d’économies réalisées par l’Etat, 11 milliards par les collectivités locales, 10 milliards par l’Assurance maladie et enfin 11 milliards sur les dépenses de protection sociale : voici l’équation proposée par le Gouvernement.

Il y a, à travers ces propositions, d’indéniables points de satisfaction, en premier lieu desquels l’affirmation d’un exécutif qui prend ses responsabilités et sait engager le pays dans des réformes nécessaires et courageuses. Il faut avant toute chose voir la réalité en face. Il est indispensable de tenir nos engagements en matière de réduction de nos déficits publics, profondément aggravés par la précédente majorité. La dette représentait 50% du PIB en 2002, contre 90% en 2012. Il en va de la souveraineté de notre pays, engagé dans une démarche de redressement au profit de l’emploi.

Nous savons désormais comment seront faites ces économies, et je me satisfais que l’Etat prenne entièrement sa part. Je me réjouis également de la sanctuarisation des domaines de l’éducation nationale, de la sécurité et de la justice, où les engagements de création de postes seront tenus.

J’accueille également avec attention les annonces d’économies réalisées en s’attaquant au « mille-feuilles » territorial. En mutualisant communes et intercommunalités, en répartissant plus justement les compétences entre départements et régions, nous pouvons réaliser des économies substantielles. De plus, le projet de loi de finances 2015 prévoit une réforme de la dotation générale de fonctionnement qui doit permettre de renforcer la solidarité entre les collectivités, ce qui va dans le bon sens.

Cependant, il est de nombreux points sur lesquels j’exprime ma vigilance.

Tout d’abord, j’ai été profondément irritée par les propos irresponsables de Pierre GATTAZ plaidant pour une dévalorisation du SMIC pour les jeunes. Dans son discours, le Premier ministre a fermement écarté cette hypothèse ; c’est un point sur lequel je maintiendrai une vigilance sans faille. Le déclassement n’est pas une réponse. Les jeunes le subissent déjà : nous devons l’enrayer plutôt que l’enrichir.

Je serai également très attentive à la mise en application du pacte de solidarité. A compter du 1er janvier 2015, la baisse des cotisations salariales pour les salariés proches du SMIC doit avoir pour contrepartie une hausse de 500 euros par an des salaires nets. Cette baisse doit s’accompagner d’un allègement de la fiscalité, l’objectif étant d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés et des ménages modestes.

Je suis particulièrement attachée à la valeur travail ; je sais dans quelles conditions exercent certains salariés, pour une rémunération peu ou pas assez valorisante. Nous ne pouvons pas accepter une politique de désincitation au travail, qui consisterait à gagner moins aujourd’hui qu’hier et encore moins demain qu’aujourd’hui.

Lorsque l’on parle de réduction des dépenses de l’Etat, je souhaite avoir des assurances : il faut veiller à ce que la maîtrise des dépenses de fonctionnement et de réduction du train de vie émane de l’administration centrale et non de l’administration déconcentrée, si nous voulons une véritable politique d’égalité des territoires.

La révision générale des politiques publiques voulue par Nicolas Sarkozy a déjà considérablement amoindri les moyens des administrations et des agences d’Etat, réduisant parfois à peau de chagrin les services rendus à la population. La disparition de l’ATESAT participe à ce phénomène, en réduisant l’aide et l’accompagnement apportée aux petites communes. Sur ce point, je pense très sincèrement que les efforts demandés aux territoires ont été très déséquilibrés. S’il y a des économies à faire, c’est bien dans les administrations centrales, en termes d’emplois comme en termes de rémunération.

Concernant les rémunérations et la stabilisation annoncée du point d’indice des fonctionnaires, je suis d’avis que cette mesure ne devrait pas s’appliquer à tous. Nous devons garder à l’esprit qu’aujourd’hui des fonctionnaires de catégorie B ou C se font rattraper par la revalorisation du SMIC. Il serait juste que le gel de l’indice les épargne.

Je m’inquiète également des conséquences de ce plan d’économies sur les territoires ruraux et particulièrement sur l’Ardèche, avec seulement deux agglomérations qui ne couvrent pas la totalité du département, et pas de métropole auxquelles doivent être transférées d’importants pouvoirs. Ces mesures ne doivent pas déboucher sur un abandon du monde rural, et par une fracture d’égalité entre les territoires. Il faut veiller à la solidarité effective. En Rhône-Alpes par exemple, les réalités sont très diverses, et si les métropoles peuvent prendre les compétences exercées par les départements dans le Rhône ou en Isère, il n’en est pas de même en Ardèche.

Concernant les économies réalisées grâce à l’Assurance maladie : mieux organiser le parcours de soin, améliorer notre dépense de médicaments grâce à une consommation plus raisonnée, agir sur la pertinence médicale pour réduire le nombre d’actes et d’interventions inutiles ou évitables : autant d’avancées que je soutiens.

Attention cependant ! Trop souvent ces initiatives ont engendré des transferts de charges vers les complémentaires et les patients. Trop de personnes sont aujourd’hui privées de soins pour des raisons financières et nous ne pouvons pas accélérer ce phénomène. D’autres, les mêmes parfois, en sont privées car vivent dans un désert médical. Si le déploiement des maisons médicales est une bonne réponse, il ne résout pas tout.

J’attire l’attention également sur les conditions de travail du personnel hospitalier qui exerce une profession difficile. Beaucoup de sacrifices leur ont déjà été demandés par le passé, ils ne peuvent donner plus.

Concernant la protection sociale, je relève des propositions particulièrement pertinentes, telles l’exploitation des possibilités offertes par la dématérialisation, ou encore la simplification et la meilleure articulation entre les différents organismes des caisses de la sécurité sociale. Je tiens également à souligner le renforcement de l’équité de l’aide aux familles, et l’orientation prioritaire des prestations vers les emplois des femmes. Autant de mesures simples, qui vont dans le bon sens pour réaliser des économies, tout en garantissant le progrès.

J’appelle enfin à la vigilance sur le report de la valorisation de certaines prestations sociales. Une partie de celles-ci seront stabilisées pendant un an, au prétexte d’un faible niveau d’inflation. Cependant, lorsqu’on sait comment l’inflation est calculée, à savoir à partir d’un panier de biens qui ne représente pas les achats des plus modestes, on peut douter de la pertinence de cet indicateur comme référence d’indexation. Le gel des prestations sociales, parmi lesquelles les retraites de base ainsi que les compléments de retraite, ne doit pas provoquer une baisse du pouvoir d’achat de ceux qui en bénéficient. Il n’est pas concevable qu’à revenu égal, un ménage puisse moins consommer. Des personnes qui ont travaillé toute leur vie ne doivent pas avoir l’impression de revenir en arrière et de régresser.

Gardons à l’esprit que nos convictions socialistes nous poussent à aller vers le progrès social et la cohésion, et qu’au moment de demander des efforts à notre pays, il est indispensable que ces efforts soient équitablement  répartis. Il y a certaines catégories de population qui ont déjà fourni suffisamment d’efforts voire de sacrifices, et ne peuvent plus payer.

C’est donc ces convictions que je ferai valoir par l’exercice de mon mandat parlementaire. Car, nous, parlementaires, avons notre mot à dire.

Par contre, il y a une économie que nous n’avons pas le droit de faire : celle qui consiste à repenser notre modèle de développement.

Je sais ce plan d’économies nécessaire,

Je le veux équitable,

Je le veux utile,

Je le veux au service d’un autre modèle de développement,

Un développement durable et responsable ! Celui qui créera une nouvelle croissance et de nouveaux emplois.