Saisine du Conseil Constitutionnel sur le CETA : Commerçons, mais pas à n’importe quel prix !

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Aujourd’hui, avec 408 voix pour et 254 contre (et 33 abstentions), le Parlement européen a adopté l’Accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, communément appelé CETA.

Pour être pleinement validé, le CETA devra encore recevoir le feu vert des trente-huit parlements nationaux et régionaux de l’Union européenne (dont l’Assemblée et le Sénat en France), car certaines dispositions de l’accord empiètent sur les compétences des Etats européens.

Mais comme le processus risque d’être très long, l’Union européenne a la possibilité de commencer à appliquer, en attendant, toutes les dispositions de l’accord qui relèvent uniquement de sa compétence – c’est-à-dire 95 % du CETA. Cette entrée en vigueur provisoire peut intervenir dès le mois suivant la ratification par le Parlement européen et le Parlement canadien – c’est-à-dire au mois d’avril.

Il y a quelques mois, avec plusieurs de mes collègues députés socialistes, nous sommes parvenu à faire du CETA un accord mixte afin de permettre à tous les parlements nationaux (et régionaux) compétents en matière commerciale de se prononcer sur le texte.

Aujourd’hui, nous estimons que le gouvernement français ne saurait autoriser l’entrée en vigueur d’un traité d’une telle ampleur sans s’assurer de sa compatibilité avec le droit de l’Union Européenne d’une part et  la constitution française d’autre part.

En effet, des doutes persistent sur la légalité de certains mécanismes, à commencer par la mise en place d’un tribunal d’arbitrage qui, au-delà du simple aspect juridique, pose de sérieuses questions démocratiques. Ce dernier, permettrait aux investisseurs présents au Canada (et donc 80% des entreprises étasuniennes actives en Europe) d’avoir recours à une juridiction d’exception dans le cas où ils considéreraient que des dispositions législatives seraient contraires à leurs intérêts.

C’est pourquoi je prends l’initiative, avec mes collègues, de saisir le Conseil Constitutionnel afin de s’assurer de la légalité de ce traité, en demandant un contrôle de constitutionnalité a priori tel que prévu par l’article 61 de la Constitution. Nous pensons que la ratification de cet Accord est inconstitutionnel pour plusieurs motifs :

  • Non-respect du principe d’égalité: le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ou UE) introduit une inégalité devant la loi entre investisseurs nationaux et investisseurs étrangers.
  • Atteintes aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale »: le CETA dépouille les juridictions nationales de leur compétence ordinaire au bénéfice du tribunal international qui ne peut être saisi que par les investisseurs étrangers. De plus, il modifie les conditions d’exercice des pouvoirs du Parlement – pouvoir normatif et pouvoir de contrôle -, mais aussi des autorités administratives. Le CETA opère ainsi des transferts de compétences vers des organes qui ne se rattachent ni à l’ordre juridique de l’Union européenne, ni à celui de ses États membres, mais dont les pouvoirs peuvent les contraindre directement ou indirectement.
  • Le principe de précaution: l’accord CETA ne prévoit aucune mesure propre à garantir le respect du principe de précaution, pourtant inscrit dans la Constitution française.

Alors que la politique commerciale européenne est l’objet de critiques légitimes dans des pans entiers de la société civile, rien ne justifie de refuser de soumettre le CETA à un tel contrôle et de ne pas garantir la compatibilité du texte avec l’accord de Paris pour lutter contre le changement climatique.

Plus globalement, c’est une nouvelle doctrine de nos relations commerciales qui est à édicter, applicable à tous les accords futurs.

Il doit être clairement affirmé que les accords commerciaux conclus par l’Union Européenne ne sauraient porter atteinte ni à notre souveraineté, ni à nos standards sanitaires, économiques, écologiques et sociaux.

Si les accords bilatéraux remettent en cause nos préférences collectives et notre modèle social, il faut dire non.

Les lignes rouges doivent être reconnues : l’interdiction d’une justice privée pour arbitrer les conflits entre les multinationales et les États, l’exclusion des services publics, l’exception culturelle, l’agriculture, la santé publique, les normes sociales et environnementales, les indications géographiques protégées, la protection des données et des intérêts stratégiques de l’Europe.

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