Le sénat détricote la Loi littoral

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Après le succès de la Conférence de Paris (COP 21), la question du changement climatique est au centre des préoccupations et avec elle, celle de l’élévation du niveau de la mer.

Le réchauffement climatique a incontestablement une incidence sur le niveau des mers, même si cette incidence n’est pas mécanique dans ses effets et si l’érosion des falaises et des dunes a également d’autres causes. Selon le rapport « Changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises », remis le 16 février 2015 par M. Jean Jouzel, la montée des eaux sera vraisemblablement la cause principale de l’aggravation de l’aléa de submersion et pourra avoir des effets majeurs sur l’érosion côtière dans les prochaines décennies.

Si on ignore avec quelle ampleur et selon quel rythme cette élévation se produira dans les prochaines années, la limite entre la terre et la mer, appelée « trait de côte », évolue déjà et de nombreuses côtes reculent chaque année du fait de l’érosion.

La proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée par les députés socialistes  vise à prendre d’ores et déjà cette réalité en considération car, dans le même temps, l’attractivité du littoral est de plus en plus forte.

Depuis soixante ans, la population installée sur le littoral n’a cessé d’augmenter et de nombreux aménagements ont modifié les équilibres qui existaient jusqu’à présent. Avec une pression de construction de logements trois fois plus élevée que la moyenne nationale et une hausse de la population de plus de 4 millions de personnes prévue en 2040 (prévision de l’INSEE), le littoral connaît un dynamisme particulièrement important.

Cette activité expose d’autant plus ses habitants aux phénomènes d’érosion côtière, de submersion marine et de montée du niveau de la mer.

La multiplication d’évènements climatiques tels que la tempête Xynthia de 2010, particulièrement dévastatrice, a conduit chacun à prendre conscience de cette situation et de la nécessité d’anticiper le risque plutôt que de le gérer dans l’urgence.

Un important arsenal législatif a été mis en place au niveau national pour transposer la directive 2007/60/CE du Parlement Européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation : stratégie nationale, évaluations préliminaires, plans de gestion, stratégies locales, plans de submersion rapide, plans d’action et de prévention, définition de la compétence de Gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI)…

La France a posé en 2012 les principes d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral et a développé un plan d’action sur trois ans. Pour accompagner cette stratégie, un comité de suivi a été mis en place et « 40 mesures pour l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte » ont été formulées en octobre 2015.

Cette proposition de loi était la concrétisation des propositions envisagées afin d’apporter des réponses pour faire face au recul du trait de côte, notamment en préservant les espaces naturels de façon à permettre aux systèmes côtiers de s’ajuster naturellement aux nouvelles conditions environnementales. Elle s’articulait en trois chapitres :

  • Le premier chapitre (article 1er) visait à élaborer des politiques d’anticipation du changement climatique sur le littoral. Pour ce faire, il consacrait l’existence de stratégies de gestion intégrée du trait de côte au niveau national et local.
  • Le deuxième chapitre (articles 2 à 8) identifiait le risque lié au recul du trait de côte. Parmi les mesures proposées figuraient :
    • la définition du recul du trait de côte en droit positif ;
    • la détermination de deux nouveaux types de zonage en cas de risque de recul du trait de côte et en l’absence d’exposition directe à un autre risque naturel majeur :
      • des zones d’activité résiliente et temporaire
      • des zones de mobilité du trait de côte ;
    • la mise en place d’un document récapitulant les connaissances relatives aux risques naturels prévisibles, qui devra être porté à la connaissance des communes et de leurs groupements par les préfets.
  • Le troisième chapitre (articles 9 à 13) comportait une série de dispositions visant à encourager le développement durable des territoires en proposant de nouveaux dispositifs capables de répondre aux problématiques spécifiques liées au recul du trait de côte et à l’élévation du niveau de la mer, telles que :
    • une plus grande intégration des risques naturels prévisibles, et donc le risque de recul du trait de côte, dans les documents d’étude d’impact environnemental ;
    • l’interdiction pour les collectivités locales et leurs groupements d’aliéner les immeubles de leur domaine privé situés dans une zone d’un plan de prévention des risques littoraux identifiant un risque de recul du trait de côte ;
    • la création d’un nouvel outil de gestion du trait de côte : le Bail réel immobilier littoral (BRILI).

Cependant, l’examen de cette proposition de loi au Sénat s’est résumée à démembrer la loi  littoral, votée à l’unanimité par le Parlement français en 1986.

Jusqu’à présent, il n’est pas permis de construire n’importe où sur la lande ou au-dessus d’une calanque hors d’une zone déjà urbanisée ou d’un hameau. Jusqu’à deux kilomètres environ à l’intérieur des terres, il est aussi interdit de combler une « dent creuse », c’est-à-dire l’interstice compris entre des constructions déjà existantes, maisons ou bâtisses agricoles.

En première lecture, le 11 janvier dernier, la majorité sénatoriale a introduit suffisamment de dérogations pour vider de leur substance les dispositions empêchant de densifier les côtes. Elle a adopté un amendement visant à « la création de zones d’activités économiques » nouvelles. En réalité, il s’agit de davantage urbaniser le littoral, de fragiliser les équilibres écologiques, socio-économiques et paysagers de ces espaces sous pression.

Ceci n’est absolument pas acceptable.

Nous avons ainsi d’un côté, les députés socialistes qui s’efforcent de prendre en compte l’érosion côtière en marche, et de l’autre, des parlementaires qui se saisissent de l’occasion pour tenter de rogner la loi littoral qui limite, fort heureusement, le bétonnage massif des communes côtières françaises.

Je militerai afin que le Parlement adopte la version initiale du texte, non dénaturée par la majorité sénatoriale.

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