Le projet de loi sur la réforme du code du travail

Avec mes collègues députés, nous entamons aujourd’hui l’examen du projet de loi Travail intitulé « nouvelles libertés et protections  pour entreprises et actifs ».

Si nul ne peut nier qu’il faille apporter des modifications au code du travail, modifications permettant d’apporter plus de sécurité aux salariés, plus de compétitivité et de souplesse aux entreprises et plus d’opportunités aux jeunes et aux demandeurs d’emplois, je suis toutefois à ce stade opposée au texte proposé par le Gouvernement.

En effet, ce dernier donne une définition très large du licenciement économique ne permettant pas de lutter efficacement contre les délocalisations et le rapatriement des bénéfices et renvoie encore beaucoup trop de droits des salariés à la négociation. Il est également peu favorable aux PME et aux TPE qui sont pourtant les piliers de la création d’emplois, notamment en Ardèche où les entreprises du CAC 40 sont très peu présentes.

Je souhaite au contraire trouver dans ce texte, outre l’indispensable équilibre entre flexibilité et sécurité, les bases d’un véritable nouveau modèle social avec un Compte Personnel d’Activité (CPA) renforcé, le développement du télétravail, l’interdiction des licenciements boursiers, la reconnaissance du burnout, l’interdiction de versement de dividendes et d’augmentations des salaires de dirigeants dans les trois années qui suivent un licenciement économique, l’aide à la mobilité…

Le débat qui s’engage à l’Assemblée nationale doit donc de mon point de vue permettre une amélioration significative du texte.

Je n’oublie pas que le projet de loi contient néanmoins des avancées pour les salariés, comme le compte personnel d’activité. Si cette loi devait ne pas être votée, ces avancées pourraient donc  ne jamais voir le jour et cela serait alors une vraie perte pour la sécurisation des salariés.

Je note par ailleurs que des premières avancées ont été apportées par mes collègues de la Commission des Affaires sociales : cette dernière a examiné plus de 1 000 amendements dont près d’un tiers ont été adoptés. Le texte est désormais plus nuancé et apporte des améliorations notamment avec la généralisation de la garantie jeunes et du compte personnel de formation.

Voici les avancées en question :

 

Des droits nouveaux et des protections renforcées pour les salariés

  • Congés payés :
    • Désormais, les congés peuvent être pris dès l’embauche du salarié, et non à compter de l’ouverture des droits.
    • En cas de licenciement pour faute lourde, les congés payés acquis ne seront pas perdus.
  • Congé maternité :
    • La période de protection contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé maternité est portée de quatre à dix semaines.
    • L’extension de cette période de protection s’applique également au second parent qui en bénéficie à compter de la naissance de l’enfant ainsi qu’aux parents adoptants.
  • Congés pour événement familial :
    • Le nombre de jours de congé octroyés pour le décès d’un enfant est porté de deux à cinq jours.
  • Compte personnel d’activité :
    • Les avancées majeures (droits supplémentaires aux salariés non qualifiés, garantie jeunes généralisée, droit universel a la formation…) sont confirmées.
    • Les salariés pourront consulter leur bulletin de paie dématérialisé sur le service en ligne du CPA.
    • Le conseil en évolution professionnelle (CEP) qui est un service clef d’accompagnement professionnel et d’accès aux dispositifs de qualification et de formation est renforcé avec la possibilité de conseil à distance.
    • Les possibilités de financement par le Compte Personnel de Formation (CPF) sont élargies à l’ensemble des actions d’accompagnement à la création d’entreprise.
    • L’engagement d’une concertation avec les partenaires sociaux avant le 1er octobre 2016 sur les étapes futures du CPA est inscrit dans le projet de loi.
    • Le CPA est élargi aux retraités car il est légitime qu’une personne retraitée, effectuant des actions citoyennes ou associatives, puissent capitaliser le fruit de cette activité sur son CEC, et par exemple avoir accès à des formations qui améliorent son engagement associatif.
  • Droit à la déconnexion :
    • L’entrée en vigueur de cette disposition est prévue au 1er janvier 2017 au lieu du 1er janvier 2018.
    • Le seuil à partir duquel une charte définissant les contours du droit à la déconnexion des salariés doit être élaborée passe de 300 à 50 salariés.
  • Egalité femmes-hommes :
    • L’employeur sera tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à la personne licenciée suite à un traitement discriminatoire ou à un versement moral ou sexuel.
    • L’interdiction de tout agissement sexiste sera systématiquement rappelée dans le règlement intérieur, comme c’est déjà prévu en matière de harcèlement moral et sexuel, afin d’améliorer l’information des salariés.
    • En cas de licenciement pour motif discriminatoire, lié notamment au sexe, à la grossesse, à la situation familiale ou suite à un harcèlement sexuel, l’indemnisation ne pourra pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
    • La parité est renforcée : la commission de refondation du code du travail comptera un nombre égal de femmes et d’hommes.

 

Des mesures en faveur de nos petites et moyennes entreprises

Les mesures en faveur des TPE-PME ont été considérablement renforcées par notre majorité :

  • En leur permettant de provisionner le risque de contentieux constituant ainsi une réserve de précaution.
  • En créant des seuils spécifiques pour les TPE en matière de définition du licenciement économique. C’est un changement de taille : le texte instaure un régime spécifique pour les TPE-PME. Concrètement, pour recourir à un ou des licenciements économiques, la baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes est appréciée en fonction de la taille de l’entreprise. Elle devra correspondre :
    • A un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
    • A deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à 49 salariés ;
    • A trois trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à 299.

Pour les grandes entreprises, la durée est fixée à 4 trimestres. Aussi nous avons supprimé la possibilité de conclure un accord de branche qui fixerait une durée inférieure pour caractériser l’existence de difficultés économiques. Ces critères ne sont, toutefois, pas exhaustifs. En cas de licenciement économique, l’employeur pourra également invoquer d’autres critères prouvant le caractère significatif de ces difficultés économiques, comme les pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.

  • En permettant à l’employeur de se prévaloir des avis rendus par l’administration.
  • En renforçant l’appui qui sera délivré aux salariés.
  • En donnant la possibilité aux TPE-PME de financer en franchise de cotisations sociales des activités sociales et culturelles pour leurs salariés.

 

Mieux encadrer la priorité donnée à la négociation collective

Le texte entend aussi offrir plus de souplesse aux entreprises pour leur permettre de s’adapter dans des conditions négociées en accordant une confiance inédite aux acteurs de terrain, les plus légitimes et les mieux placés pour négocier des accords en matière d’organisation et de temps de travail.

  • Consultation des représentants du personnel accrue : en cas d’autorisation octroyée par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) de dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail en cas de circonstances exceptionnelles, les instances représentatives du personnel devront être consultées.
  • Des accords en faveur de l’emploi mieux encadrés et à durée déterminée :
    • Les conséquences des accords en faveur de l’emploi seront mieux encadrées. Ainsi lorsqu’un salarié refusera un accord de ce type, le licenciement sera prononcé selon les modalités de la procédure applicable au licenciement individuel pour motif économique.
    • Ces accords devront être conclus pour une durée déterminée, avec une durée fixée par défaut à cinq ans.
    • L’employeur qui envisage un tel accord devra transmettre en amont « toutes les informations nécessaires aux organisations syndicales représentatives » et le préambule de l’accord devra en reprendre les objectifs.
    • Enfin, dans les entreprises sans délégué syndical, la négociation d’un accord ne pourra avoir lieu qu’avec des salariés ou élus du personnel « mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ».
  • Licenciements en cas de cession d’entreprise :
    • La possibilité de déroger au transfert des contrats de travail – désormais limitée aux entreprises de plus de 1 000 salariés – ne sera possible que si l’entreprise a fait l’objet d’une offre de reprise qu’elle envisage d’accepter, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement, précise la commission des affaires sociales.
  • Différer l’entrée en vigueur de certaines dispositions :
    • Pour laisser aux acteurs le temps de se préparer et de s’adapter aux nouvelles règles de validité des accords collectifs, leur entrée en vigueur est reportée au 1er janvier 2017 pour les accords qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés.
    • L’élargissement de l’application des nouvelles règles de validité à l’ensemble des accords collectifs n’est plus automatique. Préférant avancer par étape, il sera d’abord fait un bilan d’application de ces nouvelles règles aux seuls accords relatifs à l’organisation du temps de travail dans un délai de 2 ans.

Je suis convaincue que nous pouvons continuer à trouver à l’Assemblée nationale, le chemin d’un texte équilibré, qui apportera enfin des réponses à deux préoccupations essentielles : trouver des solutions permettant de sécuriser le parcours de plus en plus précarisé des salariés, des jeunes et débloquer les créations d’emplois par les entreprises de notre pays.

Seul cet équilibre aura la faveur de mon vote.

Le sujet du droit du travail est trop important pour se contenter de positions purement politiciennes. Ma position actuelle est réfléchie et se fonde sur de profondes convictions de gauche. Je resterai attentive et active dans le débat qui s’engage pour que des avancées positives soient obtenues.

 

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