Congrès de l’Association des Maires Ruraux de l’Ardèche

Vendredi 10 juin, les Maires ruraux de l’Ardèche tenaient leur Assemblée Générale à Thueyts. Je vous propose de retrouver ci dessous mon discours.

AG Maires ruraux

Congrès des maires ruraux de l’Ardèche,
Thueyts, le 10 juin 2016

« Seul le discours prononcé fait foi »

Monsieur Le Préfet,

Monsieur le Directeur Académique des Services de l’Education Nationale,
Messieurs Les Sénateurs (et Président des Maires ruraux),
Monsieur Le Président du Conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les élu(e)s, régionaux, départementaux,
Mesdames et Messieurs les Maires, adjoints et Conseillers municipaux,
Monsieur Le Maire de Thueyts,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’Etat,
Mesdames et Messieurs,

Il y a le temps des rencontres, entre 2 portes, devant un ruban …. et celui des échanges.

Je saisis l’invitation de l’Association des Maires ruraux de l’Ardèche, et j’en profite pour remercier son Président, pour échanger avec vous. Je voudrais vous faire partager ma vision, mon analyse. Elle est ce qu’elle est. Vaut ce qu’elle vaut. C’est celle d’une parlementaire qui peut désormais regarder 4 années dans le rétroviseur.

Mon attachement à l’Ardèche, ne tient pas à un nom, ni à une rivière (tout aussi belle, qu’elle puisse être) mais à ce qu’elle est et à ce qu’elle incarne: l’espace rural et par la même les communes rurales que vous représentez.

Après 4 ans de mandat parlementaire, je fais le constat qu’en matière législative la France a, droite et gauche confondue, voté de nombreuses lois qui ne sont pas allées suffisamment loin dans la décentralisation, réaffirmant même parfois les pouvoirs de l’Etat sur les territoires. Cette réaffirmation a multiplié  les procédures administratives alors que certaines doivent permettre aux territoires de parfaire leur attractivité.

Le gouvernement a mis en place des groupes de travail. Régulièrement des annonces de simplification administrative sont faites mais nous partons de très loin et le chemin à parcourir est encore long.

Je fais également un autre constat. Je mène un combat parfois mal compris: celui de la préservation de notre environnement et par la même de notre santé. S’il est mal compris, c’est peut-être qu’il est mal expliqué. Dans ce cas, mea-culpa, je vais essayer de faire mieux.  Mais je connais aussi l’autre raison de cette incompréhension: le lobbying et sa désinformation! Et ce lobby il vient de tout horizon.

Revenons sur le premier point : la décentralisation.

Vous êtes, comme moi, témoins tous les jours des nombreuses initiatives qui sont prises dans vos communes. Elles ne sont pas toutes louables certes mais certaines mériteraient un sort meilleur que celui qui leur est réservé. Et souvent, les barrières financières ne sont pas les principaux obstacles. Le cadre législatif ou réglementaire n’offre pas, à mon avis, la liberté aux porteurs de projets de les concrétiser et de s’épanouir.

Je sais qu’il ne suffit pas d’avoir une idée pour qu’elle soit bonne, je sais aussi que tout individu n’est pas philanthrope mais je rencontre trop souvent des hommes et des femmes qui pourraient largement participer à ré-enchanter le  monde rural et qui n’y parviennent pas. Il est coutume de dire, parce que c’est vrai, que la ruralité est diverse. A cette diversité de situations seule une décentralisation plus affirmée peut y répondre.

Je rencontre aussi des citoyens, qui voudraient comprendre et participer à la prise de décision mais qui n’ont pas de place hormis celle qui leur est offerte d’insérer une fois tous les 5 ans, 6 ans …. en fonction de la durée des mandats  un bulletin dans une enveloppe. Je fais le constat que notre ruralité regorge d’idées, d’ingénierie citoyenne que nous ne savons pas valoriser. C’est grâce à elle que nous avons remporté le combat contre les Gaz de Schiste. Sans cette expertise citoyenne pour nous aider à dénoncer des dossiers nébuleux et sans concertation l’Ardèche ne serait pas aujourd’hui ce qu’elle est.

Nous sommes riches d’une expertise citoyenne et constructive que nous sous estimons.

Nous avons la responsabilité de ne pas faire de la ruralité un 1/3 espace.  La croissance démographique du monde rural est devenue supérieure à celle du monde urbain. Nos territoires attirent, nos produits et notre mode de vie aussi.

J’étais récemment au Domaine du Pradel, à Mirabel. J’assistais à un colloque sur « Les nouvelles ruralités à l’épreuve des territoires agricoles et de la transition énergétique ». Un lieu mythique pour le développement local ou chercheurs, élus locaux, acteurs locaux ont échangé sur les nouvelles ruralités. Je vois derrière tout cela la nécessaire organisation d’un réseau de territoires.

Je rencontre tous les jours des élus ruraux qui avancent dans l’adversité. Pas loin d’ici je ne peux m’empêcher de penser à un village qui m’est cher :Meyras. Un peu plus loin Chirols : son marché, ses artisans, ses nouveaux habitants. De l’autre côté je pense à Montselgues, ses dizaines d’habitants, son école qui a ré ouverte et ses nombreuses tables.

Mais j’aurai tort de ne pas parler de la commune qui nous accueille : Thueyts et son château. Thueyts et son EEP. Thueyts centre de formation ! Qui l’aurai cru ? Une entreprise d’entraînement pédagogique à Thueyts

c’est rendre probable l’improbable. Voilà pourquoi je me bats, voilà ma conception de la ruralité. Elle doit surprendre par son innovation.

C’est surprenant de retrouver à Mirabel un campus rural et la dynamique universitaire qu’on lui doit. Et très décevant d’apprendre que la Région Auvergne-Rhône Alpes vient de lui signifier que la convention formation continue ne serait pas renouvelée. C’est un bien mauvais coup porté à la ruralité.

La référence au Domaine du Pradel et à Olivier de Serres nous amène naturellement vers mon second point. « Ne pas voler la terre, se savoir toujours en dette ».  Voilà résumée la pensée d’Olivier de Serres, père de l’Agrologie française, homme de paix dans un siècle de guerre.

Si je suis tant engagée au niveau national sur ces questions c’est parce que je sais qu’Olivier de Serres avait raison. Notre avenir, celui de la ruralité et de l’humanité dépend de l’utilisation que l’on fait de notre patrimoine terre, de nos ressources naturelles.

Mais notre avenir, certains s’en soucient peu. Ils  préfèrent voir s’enrichir le portefeuille des actionnaires plutôt que la terre de nos ancêtres. Malgré les dégâts, malgré les dysfonctionnements, malgré les nombreuses études scientifiques les décisions courageuses se font attendre. J’en veux pour preuve celle de l’Europe sur le glyphosate, ou celle qui revient à l’Assemblée Nationale  la semaine prochaine sur les néonicotinoïdes. C’est ainsi que je mène mon combat pour la Ruralité : en préservant le foncier agricole, la qualité de nos sols… Adapter nos productions au changement climatique c’est bien. Lui tordre le coup, c’est mieux !

Il existe dans ce monde des hommes et des femmes qui ont des intérêts contradictoires aux nôtres et c’est face à ces lobbies que je mène mon action. Ils sont très présents à l’Assemblée, se soucient peu de nos intérêts et voudraient notre bonheur malgré nous. Ce sont les mêmes qu’on retrouve à Bruxelles et qui tiennent la plume pour le TAFTA. Sur ce point, j’attire votre attention nous devons être sans concession. Ce traité peut nous condamner !

Surtout s’il vise à briser les «barrières» réglementaires que sont  les interdictions européennes frappant le bœuf aux hormones, le poulet chloré, les cultures OGM ou encore à supprimer les indications géographiques protégées (IGP). Si le poulet au chlore l’emporte face au Poulet de l’Ardèche, adieu la Châtaigne d’Ardèche, le Fin gras du Mézenc, le Miel des Cévennes, le Saucisson de l’Ardèche… N’importe quelle entreprise pourra fabriquer n’importe où un produit de terroir et en utiliser le nom. Il n’est pas acceptable que des savoir-faire uniques, fruit de l’Histoire et de la passion humaine puissent être usurpés. Nous, parlementaires, devrons prendre nos responsabilités en temps voulu.

La ruralité a besoin d’une doctrine qui balaie l’idéologie de la concentration qui ne pense qu’à centraliser les pouvoirs politique, économique, culturel et même médiatique. La ruralité  a besoin d’être revivifiée.

Nous partageons cette ambition.

Il ne vous a pas échappé que je n’ai pas abordé le sujet des dotations. D’abord parce que je sais que d’autres s’en chargent mais aussi  parce que je pense que ce sujet peut en cacher bien d’autres que j’ai souhaité développer précédemment.

Après tout, si l’avenir de la ruralité se limitait à une question de financement alors le sujet serait plus facile à traiter qu’il ne l’est.

La ruralité c’est aussi l’accès à  l’enseignement supérieur. Sur ce point, j’interrogerai le Ministre mardi prochain à l’Assemblée.

La ruralité c’est la culture. Savez vous que le soir d’ouverture de l’Euro, ce soir, la salle des fêtes de Mayres sera remplie à l’occasion d’une soirée théâtre ? Que demain soir à Prunet vous pourez admirer Les Jongleurs de Mots avec Alain Carré…

La ruralité c’est un art de vivre.

C’est du co working.

C’est un diagnostic à partager pour mieux anticiper et ainsi être en mesure de faire de la prospective.  C’est tout l’état d’esprit de la démarche présentée ce matin par Monsieur le DASEN. C’est aussi celui qui anime la réflexion autour du GHT. S’assurer que dans quelques années nous ne devrons pas soigner notre hôpital pour mieux nous soigner.

Nous avons un devoir,

Ce devoir doit être une mission pour l’Etat : permettre aux territoires de déployer des gouvernances et des projets utiles.

Congrès 2