Cérémonie en l’honneur de Marie-Pierre Belin

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C’était il y a quelques jours, Marie-Pierre BELIN recevait les insignes de chevalier de l’ordre national du mérite.

J’ai eu l’honneur de rendre hommage à son parcours :

 

Monsieur Le Préfet,
Monsieur Le Maire,
Mon père,
Cher Jean,
Mesdames et Messieurs,
Chère Marie-Pierre,

Ce samedi 20 août, la météo aurait pu nous renvoyer ce que tu as toujours donné aux autres, mais elle en a décidé autrement. Du soleil, des rayons d’espoir et de chaleur, voilà ce qui guide ta vie.

Une vie qui a débuté là-haut sur la montagne. Au Cellier du Luc plus précisément.

« Il y fait froid là-haut » disent certains. Pourtant, tu n’en as retenu que de la chaleur.

Monique, Georgette, Marie, Belin. Née 4 ème, d’une famille de 5 enfants, tes parents étaient agriculteurs.

On disait de ton papa, originaire de Coucouron, qu’ « il ferait parler les pierres » ou encore que « Rien de ce qui est humain ne lui était étranger ».

Avec tes frères et ta sœur, votre éducation a été marquée par une grande ouverture aux autres, un accueil inconditionnel. C’était la porte ouverte et le couvert toujours possible. L’imprévu et l’inattendu avaient toujours leur place.

Une scolarité parfaite t’a valu de recevoir du correspondant local du Progrès un dictionnaire, accompagné du mot suivant « Le progrès, en vous offrant ce dictionnaire, vous adresse ses plus cordiales félicitations pour la brillante première place que vous avez obtenue dans votre centre d’examen du Certificat d’Etudes Primaires ». C’est à Mademoiselle Belin Monique « dite Yvette » que le mot était adressé.

Ce n’était que le début d’un très beau parcours qui allait se prolonger par des études universitaires (LER). Une formation initiale que tu compléteras plus tard par une formation permanente pluridisciplinaire partant du constat que « la bonne volonté ne suffit pas. Au cours de ces années, tu as participé à une année de formation rurale qui comportait plusieurs volets: sociologique, psychologique, politique, économique, démographique, dogmatique et biblique.

Auditrice libre à l’Institut des Études Sociales tu as pu y apprécier l’ouverture à l’Europe et au monde.

Mais tout cela est si peu compte tenu de la suite. Passionnée par la relation et l’ouverture aux autres, avec une attention particulière « aux blessés de la vie » c’est en 1968 près de Joyeuse que tu t’es aventurée sur le chemin.

Il n’était pas tout tracé mais quelque peu balisé.

Au sein de l’Association Culture et Loisirs du secteur de Joyeuse , tu t’engages dans l’Aumônerie des jeunes et l’Animation pastorale.

Ton but:  » promouvoir, favoriser la culture, la formation humaine et spirituelle. »

Le secteur de Joyeuse t’a profondément marquée et tes fonctions d’animatrice d’ACL t’ont permis de tisser des liens avec le CHRS « Eau vive » à Payzac, le Contrat de Pays « Joyeuse, Largentière, Valgorge », le CCAS et le Comité de jumelage de Joyeuse et tant d’autres.

Ce n’était plus à la page de Saint Étienne de Ludgarès que les journalistes locaux te consacraient des lignes mais à celle de Joyeuse, Ribes, Saint André Lachamp, Lablachère….

Tu dis que les jeunes t’ont appris à aimer, à être des écouteurs, des veilleurs, des guetteurs. Je crois que cet apprentissage était réciproque. Tu écris aussi que prendre la route avec les jeunes, c’est risquer une aventure qui nous fait découvrir ce que nous sommes vraiment : » aimés de Dieu ».

Pour cela, tu n’hésiteras pas à sortir des chemins battus. Tu organises, avec le Comité Catholique contre la faim et pour le Développement du Bas Vivarais, une rencontre échange avec Pierre Rabhi sur le thème : » Citoyen, que fais-tu de ta planète ? » Autour de questions essentielles que certains refusent encore malheureusement de se poser aujourd’hui: « Faut-il privilégier la croissance économique ou le développement humain ? »,  » Comment peut-on orienter notre consommation vers une solidarité responsable? » Ou encore  » Quelle planète préparons-nous pour nos enfants?

À Lablachère, dans le cadre du centre de préparation au mariage tu proposes une conférence débat d’un autre genre. L’harmonie charnelle que tu définissais comme le dialogue d’une personne avec une autre dans la réalité du corps.

Ces différentes rencontres, dans le cadre de la préparation au mariage, t’ont invitée à t’interroger sur l’Eglise et son avenir. Comment témoigner que l’Eglise n’est pas seulement composée de ceux qui vont à la messe le dimanche mais aussi de ces jeunes couples qui la construisent dans sa vie quotidienne ? L’Eglise, le nouveau visage de l’Eglise, n’est-il pas en train de devenir autre ? N’est-ce pas une nécessité pour qu’elle résiste ?

Et toujours cette même envie de faire connaître davantage ta foi pour mieux la partager. Cette foi, cette espérance, tu l’as partagé dans bien des structures.

Au sein de l’Association ardéchoise des Foyers de l’Oiseau Bleu auprès des Femmes en grandes difficultés, parfois avec des enfants, à Payzac.

Avec comme devise cette phrase d’un romancier dramaturge français du XIXème ème siècle, Jules Claretie : « Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, à contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire, et surtout la grande armée des gens beaucoup plus sévères qui ne font rien ».

Tu aimes dire que la vie t’a toujours bousculée et appelée vers un ailleurs. Que tu vis comme à un carrefour. Ce carrefour t’a proposé la direction du Contrat de Pays que tu n’as pas hésité à emprunter. Cet engagement t’a fait entrer en relation avec une population très différente de par son histoire, sa culture, ses valeurs, son incroyance ou son indifférence à la foi en Jésus Christ.

Cet investissement t’a permis de sensibiliser d’autres personnes pour qu’elles aient aussi la parole, en particulier les « non informés » et d’en inviter certaines à prendre une part plus active dans les structures. Aujourd’hui tu entends encore ces paroles d’une personne se disant athée et se confiant à toi :  » Je suis peut être plus proche de vous que certains chrétiens…. C’est notre foi en l’homme qui nous rapproche ».

Un journal bien connu dans les Cévennes te consacrait en 1992 quelques lignes .Une Echobrève devrai-je dire « Sœur Marie Pierre vient de fêter ses 25 ans de sacerdoce, dont une bonne partie au service des jeunes du secteur de Joyeuse. Son activité va s’étendre au Bas Vivarais. Petite môme et grande dame à vous réconcilier l’église et les mécréants…. »

C’est toujours cette même image que chacun garde de toi. Celui qui, à l’époque, était Président du Comité de Pays « Largentière – Joyeuse – Valgorge  » dit de toi encore aujpurd’hui  » Sa gentillesse, son éternel sourire de bienveillance, ses compétences, son ouverture à toutes les causes généreuses, son dévouement égal et naturel,…. ont laissé un souvenir exceptionnel et durable dans le secteur. Rarement l’Eglise nous a fait pareil cadeau. Même un mécréant de mon espèce y a été sensible et reste admiratif. C’est dire. »

Mais sur cette route, il y a eu une erreur de parcours. Le 17 avril 2000, ce jour-là, au carrefour, tu n’as pas pris la bonne direction même si l’intention était bonne. Tu voulais aller rejoindre les jeunes de Saint Laurent Les Bains. Ce terrible accident dont tu as été victime t’a valu 2 mois de soins intensifs, un séjour à Folcheran et un temps de repos dans ta famille avant de pouvoir rejoindre la communauté St Joseph à Notre Dame de Bon Secours de Lablachère. Tout cela s’est terminé le 28 octobre autour d’un apéritif et d’un buffet campagnard après une célébration au sanctuaire de Notre Dame auxquels tu invitais « tous ceux qui de près ou de loin …. ont formé cette grande chaîne de prières et d’amitié et qui t’ont permis d’être vivante au milieu de tous ».

Il aura suffi d’une soirée-témoignage avec Bernard Devert, Prêtre Fondateur du Mouvement Habitat et Humanisme pour que ton engagement prenne racine là aussi !

Il est venu élargir, conforter ta responsabilité de membre du CA d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Aider les familles en situation précaire à retrouver un logement est bien mais pas suffisant. Les accompagner pour qu’elles retrouvent un quartier, un village, une ville, des relations, une vie sociale était la nouvelle mission que tu t’étais fixée pour combattre l’exclusion et la pauvreté.

Retrouver un toit pour se retrouver Soi.

Un toit pour soi ne t’a pas quitté. Te voilà aujourd’hui Présidente de l’Association Solen avec cette fois ci la légende amérindienne du Colibri qui t’accompagne.

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit:  » Colibri !! Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu… » Et le colibri lui répondit:  » Je le sais, mais je fais ma part … »

Ta part, ma chère Marie-Pierre, tu l’as largement faite. Mais tu la fait si bien qu’elle nous est précieuse. C’est d’ailleurs ce caractère si précieux qui t’est reconnu par cette distinction de la République.

Ce sont tes valeurs humaines qui sont honorées. J’en veux pour preuve ce témoignage.

« Son dynamisme, son ouverture d’esprit, sa foi « appliquée », l’ont conduite à vouloir organiser son action autour d’une Association Culture et Loisirs (ACL). Sous tendue par des valeurs chrétiennes, elle voulait par cette association proposer un lieu ouvert à tous les jeunes pour les aider à progresser dans la vie autour de valeurs de respect, d’attention aux autres , d’ouverture à la différence, d’engagement , du sens collectif…

Par la suite, avec un fil conducteur toujours axé autour des valeurs humaines, avec un esprit visionnaire, avec un souci d’agir là où c’est difficile, elle a exercé sa mission en proposant entre autres des possibilités d’acquérir des bases pour être des citoyens capables de comprendre leur environnement, d’être à l’aise avec les changements, de pouvoir assumer des responsabilités locales. Elle l’a fait en mobilisant des témoins d’envergure reconnue, sans connotation confessionnelle.

C’est dire combien Marie Pierre a constamment fondé son action sur l’ouverture d’esprit, le dialogue, l’écoute, la tolérance et a privilégié le service aux autres souvent au détriment de la reconnaissance personnelle.

Enfin, la teneur de son action est d’une pertinence époustouflante face aux événements actuels et à la violence. Ecoute, dialogue, tolérance, me semble être des valeurs essentielles pour avoir une posture juste vis-à-vis de cette actualité. Marie Pierre a toujours manifesté de l’ intuition pour montrer les chemins à prendre ».

Chère Marie-Pierre, petits et grands, jeunes et moins jeunes, blessés de la vie ou non, témoignent aujourd’hui la reconnaissance et gratitude qu’appellent ton extrême gentillesse, ton sincère engagement et ton profond dévouement.

Chère Marie-Pierre, tant qu’il y aura des Femmes comme toi, nous continuerons à croire en l’Homme.

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