Abrogation du jour de carence : une « mesure injuste, inutile et inefficace»

Marylise Lebranchu a annoncé aux organisations syndicales de la fonction publique la décision du Gouvernement d’abroger la journée de carence mise en place par le précédent gouvernement.

Cette décision, qui intervient dans le cadre des concertations issues de la grande conférence sociale, sera traduite par une disposition législative qui sera proposée dans le prochain projet de loi de finances présenté au Parlement.

Le jour de carence a été créé par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2012 au motif que les fonctionnaires étaient avantagés par rapport aux salariés soumis à 3 jours de carence. L’objectif affiché était de lutter contre l’absentéisme, supposé plus élevé dans la fonction publique et de restaurer l’équité entre salariés et agents publics. L’objectif sous-jacent était de réaliser des économies budgétaires.

Un an après la création du jour de carence, un premier bilan du dispositif a été établi et démontre que le jour de carence n’a pas les effets que l’ancien gouvernement escomptait :

En termes d’équité :
– deux tiers des salariés du privé bénéficient d’une prise en charge des jours de carence en application d’une convention de branche ou d’entreprise. Le jour de carence dans la fonction publique a lui privé de toute rémunération 100% des agents publics pour le premier jour de leur arrêt maladie.
– En ce qui concerne l’absentéisme les effets ne sont pas démontrés: le nombre de congés maladie est resté quasi stable à l’Etat en 2012 et plus des deux tiers des agents ayant eu
un jour de carence n’ont eu qu’un arrêt maladie dans l’année. Il n’est pas mis en évidence de recul significatif généralisé des arrêts de courte durée entre 2011 et 2012.

Les économies budgétaires sont quant à elles moins importantes que prévues : la mesure a rapporté 60 millions d’euros à l’Etat alors qu’elle avait été évaluée à 120 millions d’euros.

Il n’y a pas de problème d’absentéisme propre à la fonction publique: une étude récente de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) sur les absences au travail pour raison de santé en 2011 démontre que les comportements ne sont pas différents entre fonctionnaires et salariés en CDI en matière d’arrêt de travail.

L’absentéisme dans la fonction publique est équivalent à celui du secteur privé alors que les absences pour raisons médicales augmentent en fonction de deux critères qui caractérisent les fonctionnaires : l’âge et la féminisation de l’emploi. Les femmes sont plus nombreuses dans la fonction publique (60,5% pour 47,5% dans le privé) et les fonctionnaires y sont en moyenne plus âgés (16% de plus de 55 ans pour 12,5% dans le privé).

Les problèmes d’absentéisme lorsqu’ils existent ne se résolvent pas par des mesures de sanction comme l’est le jour de carence. L’absentéisme est le plus souvent le révélateur de conditions de travail difficiles. Il faut donc travailler sur les causes et non sur les symptômes. « C’est ce que je souhaite faire avec les organisations syndicales dans le cadre de la concertation sur l’amélioration des conditions de vie au travail ou nous aborderons ensemble notamment les questions de la qualité de vie au travail ou de la prévention des risques professionnels » a affirmé la Ministre.

Il y a dans la fonction publique, comme dans le secteur privé, des cas de recours abusifs aux arrêts maladies : c’est contre ceux là qu’il faut lutter et pour cela le gouvernement travaillera à l’amélioration des dispositifs de contrôle. Le contrôle des arrêts maladie aujourd’hui à l’état d’expérimentation, sera généralisé (contrôle des arrêts de moins de six mois, des arrêts répétitifs et des horaires de sortie). Les arrêts maladie des fonctionnaires seront donc contrôlés dans les mêmes conditions que pour les salariés.
L’obligation de transmission dans un délai de 48 heures des certificats médicaux ouvrant droit aux congés maladie sera par ailleurs strictement contrôlée et renforcée. Une disposition législative sera proposée afin que dès lors que l’arrêt maladie n’est pas justifié une retenue sur salaire soit effectuée.

L’impact financier de cette mesure sera compensé en gestion par les employeurs publics afin d’assurer le respect des enveloppes de masse salariale arbitrées.